jeudi, 27 mars 2008
Tenir le monde entre mes doigts de silence
Terre de collines. Ocre et rouge. Achevalé sur ma monture, je parcours les steppes. Les ombres jouent avec les replis de la terre, le gris de la roche avec le bleu des montagnes.
Alpha et oméga du monde, rien ne semble avoir été posé ici par hasard. Ni les vallées, ni les lacs, ni les temples. Vallées fumeuses de brume, étagées de rizières. Pays cosmique. Vérité inscrite dans les pierres. Élan de la pensée. Le tumulte s’est arrêté.
Le dénuement de la pierre, de la terre ici, me plaît, j’aime ce désordre lent des vallées, l’air de solitude qui flotte sur les collines.
Reflets velours, incarnat du couchant, montagnes au loin, calquées en lignes bleues. Grand remuement de vagues, statufiées.
Oiseaux blancs qui couvent la terre spongieuse, virevoltant. D’autres lignes, d’autres montagnes donnent de l’épaisseur au ciel safran, une profondeur de champ.
Les grandes étendues désertiques de la Chine du Nord sont le lit de mes rêves. Une harmonie bienveillante s’est posée ici. Je peux rester des heures entières seul au milieu des plaines, à fouir du regard les détours de l’horizon.
Blondeur des collines. Pureté froide, odeurs de sapins. Grandes étendues dorées du pays des glaces. Vagues de givre giflant la peau tendue de froid. Lucidité coupante de l’air.
Voici un temple taoïste, juché sur une colline. Encorbellements de la pierre. Les rizières au loin dessinent leurs courbes lentes. Après-midi tiède et vert.
Seuls les temples, juchés sur des collines, tracent le passage de l’homme. Le désir d’immobilité et de silence innervé dans cette terre est proche de l’hallucination. Mon existence tout d’un coup me semble artificielle. L’action que je mène bien vaine. Découverte de l’espace. Le temps est une pluie de guirlandes sur la mer.
Pourquoi être si près du monde et si loin des siens ? Rien ne peut me retenir à la terre. Devant cette solitude étoilée, mes pensées vont vers vous, si loin, et que j’aime. Puissé-je traverser ces océans et tenir à nouveau le monde entre mes doigts de silence.
Raymond Alcovère, 2002, photo de Gildas Pasquet
00:10 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : poésie, raymond alcovère, gildas pasquet
mardi, 25 mars 2008
Les Essais de mon peigne, florilège de calembours
Les Essais de mon peigne", de Raymond Alcovère. est disponible avec le n°46 de Microbe : "Contact : Eric Dejaeger
Quelques extraits :
- Un seul hêtre vous manque et tout est des peupliers
- Rire à gorge d'employé
- Le citoyen lambada
- La beauté du zeste
- Chassez le naturiste, il revient au bungalow
-
Etc. plus de 150 autres à découvrir...
00:15 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : humour, raymond alcovère, les essais de mon peigne
lundi, 24 mars 2008
Ciel de pagodes
Blanc de l’aube. Tremblement du temps. Les nuages s’éloignent. Des signes apparaissent, à peine tangibles, un alphabet nouveau, frôlements de mer, odeurs de sauvagine, remuement des vagues.
La brume se mêle au soleil. Océan de neige, un grand calme. Je changerai non de vie, mais d’identité.
Je bois l’aube. Tremblements, orages, luxuriance. Ordalie de vents. Bégaiement du temps.
Tout peut s’arrêter car rien ne s’arrêtera jamais. L’abîme est un fracas. Ivre de colère, il s’abandonne. Les anges y volent obscurément, symphonie bleu nuit de la pluie et du vent.
Un virage s’amorce. La grande mue de la mer de nuages. Le vent s’efface pour laisser la place au jour. Ciel de pagodes, échelles vers le soleil.
Arrivée de toujours, qui t’en ira partout. La lumière chez Rimbaud, Cézanne, est partout présente, donnée, irradiante, primordiale.
Je devine un trois-mâts au mouillage, dans un mitan de bonace, illuné, la clairière des Antilles. Parfums frêles de vanille et de jasmin. Les palétuviers plongent leurs racines dans notre mémoire myosotis, aux reflets vert sauge.
Va-et-vient de l’aurore. Élévation. Hêtres pourpres, en robe garance. Le seul mot de liberté est tout ce qui m’exalte encore.
Grand désordre de neige. Les météores s’effacent, perdues en circonvolutions.
Page blanche, moment de l’exaltation. La recherche du sens est peut-être la plus grande erreur, finalement.
Raymond Alcovère, 2002, photo de Gildas Pasquet
00:12 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : raymond alcovère, gildas pasquet
vendredi, 21 mars 2008
Je vis un moment de temps pur
Je vis un moment de temps pur, je sens autour de moi les ramifications du monde, ses ondes nerveuses, toute cette énergie. La capter, la traduire, la rendre ! La plus grande beauté est éphémère, et pourtant permanente. J’ai trouvé l’angle, l’arme fatale, pour déjouer le complot : le temps ! Quitter celui de la consommation, de la culpabilité, de la haine, du ressentiment. Le temps c’est l’art tout simplement. Seul il permet de sortir du cercle. Là est le satori, caché sous la cendre, retenu prisonnier sous des couches de civilisation. Le monde s’illumine, s’ouvre, aérien, léger et dense… Comme la matière, faite de vide. Nous ne sommes que des particules. Un bloc de temps pur, vivace, intense, sulfureux, tremblant dans la fine lumière du soir, vent coulis instillé à l’intérieur des fuseaux horaires retrouvés, vivable tout d’un coup, jouissif, sensuel.
Raymond Alcovère, extrait de "Le bonheur est un drôle de serpent", roman en cours d'écriture
Photo de Gildas Pasquet (Albi)
03:10 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : raymond alcovère, le bonheur est un drôle de serpent, albi, gildas pasquet, en cours d'écriture, littérature, photo
mardi, 18 mars 2008
Le bonheur est une idée neuve
J’ai vu hier un film qui m’a beaucoup frappée : « La Fabrique des sentiments » de Jean-Marc Moutout, avec Elsa Zylberstein, quelle magnifique actrice ! Le regard du réalisateur est froid et passionnant. Une jeune femme, qui réussit dans son métier et sa vie professionnelle, voudrait vivre sa vie amoureuse de la même façon. Elle fait appel au « Speed dating », c’est hallucinant – déjà le mot dit tout, et en anglais bien sûr - les gens ont sept minutes pour se présenter à l’autre, tenter de le séduire et obtenir un rendez-vous. C’est un jeu de chaises musicales, ils passent ensuite à quelqu’un d’autre, sept minutes à chaque fois et à la chaîne… La jeune femme ne sait plus ce que faire de sa vie, ni comment ; elle a du temps disponible pour l’amour, mais cet univers lui échappe, puisque elle est passée de l’autre côté, celui de la fabrique des sentiments justement. Et tous les gens autour d’elle sont perdus, à errer dans un monde qui les fuit, sur le fond, celui du travail et de l’efficacité : pourtant ils en sont les maîtres (la jeune femme est clerc de notaire puis notaire, c’est bien vu). Les hommes sont eux aussi en apesanteur dans le film, les anciens schémas ont sauté, les femmes sont leurs égales, elles veulent tout, comme eux, résultat ils s’évanouissent le plus souvent, ils s’effilochent… Il y a une mise en perspective réussie avec la grand-mère, qui parle de son mariage, l’amour à son époque on ne s’en souciait pas trop, et là, on comprend, le bonheur est une idée neuve, bien sûr !
Raymond Alcovère, extrait de "Le bonheur est un drôle de serpent", roman en cours d'écriture
00:07 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : raymond alcovère, le bonheur est un drôle de serpent, la fabrique des sentiments, elsa zylberstein
lundi, 17 mars 2008
Le baroque...
Le baroque, je l’ai compris ici, c’est effacer, détourner, tordre, pulvériser, déplacer, puiser au cœur du mouvement. Pas de fixité. Tout art est baroque. Magique, il plie la réalité, l’incurve, la déroute. Il y a une seule chose stable, disent les taoïstes, c’est le changement. L’art change avec le temps, il en épouse les contours. On peut regarder le même chef d’œuvre des années après, il nous aura devancé. Le baroque c’est entrer dans l’univers des possibles. La réalité s’efforce de ressembler à l’art, sans succès. Ici tout me ramène à toi, voilà ce que me racontent ces dentelles de pierre, sonates en or mineur, pizzicato, ces rideaux fuchsia, enluminures, linéaments, façades ondoyantes de palais, volupté ciselée dans le marbre.
Raymond Alcovère, extrait de Solaire, roman en cours d'écriture
13:25 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : raymond alcovère, solaire
mercredi, 12 mars 2008
Parfois c’est ainsi
Parfois c’est ainsi, rien ne peut m’apporter la paix, seulement ton image, ton image vraie, hors de tout désir conscient, alors miracle c’est en rêve que je la trouve. J’ai hâte de dormir pour pouvoir rêver de toi. Là je caresse tes cheveux sans fin, tu me parles, tu me souris, tes yeux illuminent tout, je bois ton visage, il s'illumine en moi comme il rayonne partout où ton regard se pose. Tout à l’heure je dormirai et pourvu que je te retrouve… Nous serons à Lisbonne, dans les rues sombres qui descendent vers le Tage, au milieu d’ombres erratiques, avec cette lumière blanche qui baigne toujours la ville et puis à l’hôtel Borges on fera l’amour encore, on ne verra pas le soleil mais aucune importance, avec cet air humide qu’on ne trouve que là-bas, les immeubles délabrés, cette atmosphère anglaise et surannée, Fernando Pessoa avec son chapeau et son parapluie seul dans la nuit grise, ici on perd tout sentiment de la réalité.
Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture
00:40 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : raymond alcovère, solaire, véa, littérature, en cours d'écriture
mardi, 11 mars 2008
Microbe plus...
Le n°46 de Microbe, préparé par Paul Guiot, est à l’impression. Au sommaire : Éric Allard, Alexandra Bougé, Sophie de Bellefroid, co errante, Dan Fante, Pascal Feyaerts, Paul Guiot, Isabelle Herbert, Joaquim Hock, Jean-Marc La Frenière, Thomas Vinau. Oui, Dan Fante est au sommaire de Microbe avec un poème inédit en français. Sans doute une première pour une petite revue francophone. D’autres suivront, et dans d’autres revues aussi.
Avec ce n°46, les abonnés « plus » recevront le n°16 de notre collection Mi(ni)crobe : "Les Essais de mon peigne", de Raymond Alcovère.
00:18 Publié dans Revues | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : microbe, raymond alcovère, les essais de mon peigne
dimanche, 24 février 2008
Terrifiante et rassurante à la fois
Terrifiante cette immensité sauvage, encore plus que la Sierra, ces vagues gigantesques dans le désordre de la nuit, remous effrayants, terrifiante et rassurante à la fois avec le bruit continu du bateau, les odeurs de machines, ce bloc de métal monstrueux, fumant et rugissant, traçant son sillon imperturbable à travers les flots déchaînés. Rêvant que mon âme soit pareille, un bloc insubmersible.
Raymond Alcovère, extrait de "Le bonheur est un drôle de serpent", roman en cours d'écriture.
05:51 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : raymond alcovère, le bonheur est un drôle de serpent, frédérique azaïs
vendredi, 15 février 2008
Les faits auront parlé pour moi (Une lettre imaginaire d’Emile Zola)
Raymond Alcovère (inédit)
20:28 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Raymond Alcovère, inédit, Emile Zola, lettre imaginaire
dimanche, 10 février 2008
Une lettre imaginaire de Paul Cézanne
03:39 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : n&b, portfolio, Cézanne, Raymond Alcovère
dimanche, 20 janvier 2008
Les fleurs sont là
Les fleurs sont là, autour de moi ce soir, belles, unanimes et en même temps mille et une voix. C’est toujours cette rose-là et pas une autre. Voilà la raison de l’art, il n’y a pas de double dans la nature, pas d’égalité, ni de répétition…
Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture
08:16 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Solaire, Raymond Alcovère, Lambert Savigneux, Eucalyptus
J’étais plus heureux qu’un dieu
Elle est repartie. J’écoutais les Partitas de Bach, le temps m’apparaissait circulaire. De temps en temps l’alcool m’aidait. Etourdi, je voyais, je sentais presque physiquement l’amour des gens, le sien, le mien. J’étais plus heureux qu’un dieu. Ou bien, ma plume s’épanchait, j’aimais ce sillon tracé, ténu mais inattaquable. Embarqué, avec le sentiment vague que ce chemin mène à bon port.
Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture
Photo : Madagascar, Ile Sainte-Marie, août 2007
00:10 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Solaire, Raymond Alcovère, Madagascar, Sainte-Marie
mercredi, 09 janvier 2008
Dans la campagne aixoise, ce début janvier...
Dans la campagne aixoise, ce début janvier a les couleurs d’un automne tardif. Ocelles claires des chênes verts, fauve des feuilles caduques, dans les arbres touches mélangées de jaune, ocre, vermillon, rouille, reflets ombrés, aspect frêle des feuilles sur le point de chuter, translucides et légères, puis s’effondrant en poussière. Partout la végétation, en flot inépuisable, dégorge de gigantesques vasques sur les collines, les combes et les ravines. Bientôt les arbres dessineront des pinceaux, dressant leurs nervures dans le gris du ciel. Au milieu, clairsemés, les oliviers. Lumineux et purs comme des incendies, les seuls à irradier de l’éclat quand l’horizon se couvre de gris, décharnés, noueux, rivés à la terre. Le vent se mêle aux forêts dans des vapeurs blanchâtres, traînées de gaze qui couronnent la Sainte-Victoire.
Miracle, en cette saison les journées sont courtes, rares les promeneurs, lumière d’or étalée, formes étagées en volumes. A six heures, nuit noire, les gens s’affairent dans les rues comme en plein jour. Le mistral s’engouffre dans les venelles en bousculant les passants, danse des feuilles sur le soir mauve.
Raymond Alcovère, extrait de "Le Sourire de Cézanne", roman, éditions n & b, 2007
23:45 Publié dans Le Sourire de Cézanne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Le souire de Cézanne, littérature, roman, Raymond Alcovère
samedi, 05 janvier 2008
Il est toi
Le Sud, toujours. Au bord de la mer ; Léonore sait qu’elle y restera. Immensité bleue, reflet doux ou violent des vagues. Vie neigeuse de l’écume. Pluie d’étoiles. Le mois de mai est arrivé, brillance, fulgurance, netteté. Un vrai jour de bonheur. Rivière de couleurs qui se fondent en un ciel de lune. Nuances disséminées, chute sans fin du soleil. Maintenant commence Le Temps calme. Gaétan, je sais que tu penses à moi, même quand tu ne m’aimes pas, tu penses à moi, parfois tu ne penses pas à moi, mais tu m’aimes...
Promenade au pied de La Sainte-Victoire. Ciel vibrant. La cime des arbres baignée de soleil flotte dans le vent-coulis des nuages. Le chant des oiseaux, à le suivre de près, est un langage. Paul Cézanne, je te dédie ce livre, il est à toi, il est toi, merci de m’éclairer.
Raymond Alcovère, extrait de "Le Sourire de Cézanne", roman, éditions n & b, 2007
13:52 Publié dans Le Sourire de Cézanne | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Le souire de Cézanne, littérature, roman, Raymond Alcovère
dimanche, 30 décembre 2007
Sous un micocoulier
Sous un micocoulier, les feuilles vert-pâle se trémoussent dans un bruit d’orgues puis lampées plus basses, fondantes, andante avec cette rafale ardente, pianissimo vent coulis, trémulement des frondaisons, poussées plus lascives des basses encore par les côtés, se laisser bercer, musique qui revient et ne s’arrête jamais, roulis de cloches, coulée mauve dans le crépitement du soleil, ondoiement sonore en diagonale se faufilant entre les maisons, lignes croisées qui se brisent, parterre de roses roses devant moi, comme un feu sous le soleil, balancement léger, vivifiant. Mon âme tire des traits, ondule, corrige, batifole, rectifie encore, laisse çà et là des points de suspension, ailleurs des traînées de lumière, de grands chants de mots. La maison me paraît vaste, immense, voilà le paysage qui m’attend, à explorer jusqu’à la fin des jours. Fleuve ou ruisseau, la vrai amoureux du voyage voyage pour voyager, explorateur insatiable.
Raymond Alcovère, Extrait de "Fugue baroque", roman, n & b éditions, 1998
Auguste Renoir
00:24 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : fugue baroque, raymond alcovère, auguste renoir
jeudi, 27 décembre 2007
A voir changer la couleur des pierres
A voir changer la couleur des pierres, retrouver la lumière crue et acide du Sud, l’âpreté qui annonce les rivages de la Méditerranée, je revivais. L’odeur des aiguilles de pin brûlées, leur bruit sec, craquant sous le pas, la torpeur pendant la canicule, l’attente interminable des siestes sans sommeil de l’enfance, le temps arrêté, puis le soir, vent marin qui s’insinue, rédemption, flots de fraîcheur à travers les rues, fluidité et mouvement partout, toutes ces sensations remontaient à la surface. Heureux du chemin parcouru. S’y mêlait l’apaisement du retour. Une envie de repos, de quiétude. Et il y avait une suite. Michel était le meilleur ami de mon oncle. Avant mon départ, il m’avait dit que sa porte serait toujours ouverte. Il m’hébergea le temps que je m’installe. C’était bon de parler ma langue, avec son accent, retrouver les phrases, les intonations de l’enfance. Pendant toute une semaine, temps humide et doux, partir à la pêche au petit matin, casser la croûte avec un verre de vin clairet à la première chaleur, puis rentrer dès que le vent tourne au Nord, la mer devenue une plaque incandescente, criblée de moutons bondissants, tranches d’un bleu pimpant, respirer les odeurs de sel comme un peu de soi, imaginer cette côte encore sauvage, avec les moustiques, les macreuses aux reflets myosotis qui glissent sous leurs flancs le bleu du ciel, les étangs regorgeant d’anguilles, sans le bruit des avions, des voitures et des bateaux à moteur.
Raymond Alcovère, extrait de "Le bonheur est un drôle de serpent", roman en cours d'écriture
H. Matisse. Le rideau égyptien. 1949
00:10 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : raymond alcovère, le bonheur est undrôle de serpent, matisse
mardi, 18 décembre 2007
Une expérience du corps
Tu sais ce qui m’est arrivé un jour ? J’étais au Musée d’Orsay, je prenais des notes devant un tableau de Manet, tiens justement, ce Manet que tu vénères, ce maître absolu en effet ! Eh bien en écrivant tout d’un coup, j’ai vu les mots se détacher, devenir solides, sortir de la page, j’ai compris qu’ils s’inscrivaient en moi d’une façon bien plus aiguë que je n’avais cru, ils étaient bien plus que des mots, ils étaient la vie tout simplement, avec un pouvoir de transformation total ! C’était terrible, j’ai su qu’à cet instant, une ère nouvelle de ma vie commençait et pour toujours… Une expérience du corps et une percée dans le temps !
Raymond Alcovère, Extrait de "Le bonheur est un drôle de serpent" : roman en cours d'écriture
Vase de pivoines sur piedouche, Musée d'orsay, Edouard Manet
22:08 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : raymond alcovère, le bonheur est un drôle de serpent, manet
dimanche, 16 décembre 2007
Je suis trop heureux
Je suis trop heureux pour écrire, trop heureux pour penser. Je regarde le soleil se coucher dans l’eau ou Elle se verser une tasse de café et l’univers est renversé, sens dessus dessous, pulvérisé, atomisé comme mon cerveau qui se répand dans toutes les directions. Allongés sur un rocher, au fond d’une crique. Juste un clapotis et les coquillages qui, bercés par les vagues émergent ou glissent dans l’eau profonde, si noire près de la côte. Alors qu’une brume s’échappe à l’horizon, rend l’atmosphère presque fraîche et nous pousse à rentrer. Nous montons, l’escalier se perd en balustrades qui dominent les flots. Arrivés là-haut, on fait l’amour encore. Par la fenêtre ouverte, les senteurs salines sont en nous comme on était dans le bleu de la mer tout à l’heure. Je suis au-delà de la pensée, dans un moment de sensualité pure, où les émotions pour vivre n’ont besoin d’aucune charpente, d’aucun secours. Il y a un million d’années-lumière entre ce que je vivais avant de la rencontrer et ces quelques jours où tout m’a été donné, l’Italie, la sensualité et Elle. A moins que ce ne soit la même chose. J’ignore si cette mystérieuse alchimie pourra se poursuivre mais une chose est sûre et vaut pour tout le reste, elle aura été.
Raymond Alcovère, Extrait de "Fugue baroque", roman, n & b éditions, 1998
Peinture de Frédérique Azaïs
01:50 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : fugue baroque, raymond alcovère, frédérique azaïs
samedi, 15 décembre 2007
La destruction de la nature en cours
- Peut-être qu’il n’y a rien finalement… Après avoir fait le tour de tout, revenir au point de départ, dans le cercle, qui tourne sur lui-même… Et si c’était la vérité dernière, passée sous silence ? Sinon, tu imagines, ils s’arrêteraient tous de courir, de tuer, d’envier, de travailler ! Alors, la question est : comment remplir le vide ? Avec le vent dans les arbres, la jouissance de l’instant, l’extraordinaire beauté de la nature, la contemplation, le plaisir ? Comment, tout ça pour rien ? Le fin du fin, le summum de l’absurdité est peut-être atteint avec la destruction de la nature en cours, elle nous rapproche trop des sensations sans doute, alors supprimée !
Raymond Alcovère, Extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture
"The Key" [1946] by Jackson Pollock.
03:25 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Raymond Alcovère, Solaire, Jackson Pollock